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12 juin 2017

Objet #14

Gauloises Caporal Filtre, 2017 - Polaroid © Yannick Vallet

Film : Un flic

Après les Gitanes du Samourai et du Cercle rouge, voici les Gauloises d'Un flic.

Alors qu'il arbore à son poignet une luxueuse montre Cartier et qu'il écrit avec un stylo Montblanc, Edouard Coleman fume des Gitanes. Etonnant, puisque ces cigarettes ont toujours été plutôt associées au prolétariat ! Des symboles tout en contraste qui forge l'image d'un commissaire qui a réussi mais qui, malgré tout, n'oublie pas d'où il vient.

Toutefois, la cigarette est relativement peu présente dans Un flic puisqu'on ne la retrouvera que dans deux séquences.
La première est celle où Edouard vient passer un moment au Simon's, après une longue fin de journée. Une main dans la poche, il pousse la porte du club en fumant sa cigarette. Affichant une coolitude parfaite, il salue d'un geste de la main les serveurs préparant la salle, puis va s'installer au piano. En habitué, cigarette aux lèvres, il jouera ainsi pendant plus de deux minutes, d'abord pour lui seul, puis pour sa maîtresse Cathy qui, visiblement très amoureuse, l'étreindra littéralement du regard. Un moment irréel, pendant lequel le temps semble s'être arrêté (même la cigarette, pourtant allumée, ne se consumera pas d'un millimètre). Un moment dont seul l'appel du travail - Monsieur le Commissaire ? On vous demande. - pourra interrompre la magie alors que quelques secondes plus tôt l'arrivée de Simon n'aura eu aucun effet.

La seconde séquence est celle de l'interrogatoire de Costa suite à son arrestation. Cette fois-ci, et contrairement à la séquence précédente, l'irruption de la cigarette sera l'occasion de briser un moment hors du temps pendant lequel Coleman et Costa se jaugeront dans une sorte de duel "à la Sergio Leone". Un moment de tension soutenu par la musique de Michel Colombier où le commissaire fait la démonstration de sa détermination. Jusqu'au moment où celui-ci se décide finalement à briser la glace en sortant d'un geste faussement désinvolte son paquet de Gitanes. Costa acceptant volontiers la cigarette offerte, une sorte de pacte semble être scellé entre les deux. Jean-Pierre Melville reprend ici le motif déjà utilisé dans Le cercle rouge entre Corey et Vogel sauf que Coleman (même s'il ressemble par certains points à Corey) ne pourra jamais considérer que Costa est son égal. On est donc plutôt ici dans un jeu de dupes dans lequel le commissaire sait par avance que Costa est le grand perdant. La preuve : quelques secondes plus tard, un plan large du bureau nous montre Costa menotté, assis sur une chaise face à un puissant projecteur et à quatre flics (dont Coleman une cigarette à la main, dans une attitude aussi cool que chez Simon's).

Même si le héros melvillien a évolué (de truand, il est devenu flic), le symbole de la cigarette reste toujours identique : celui qui la possède détient le pouvoir et est le seul à pouvoir contrôler la situation. A priori …