Film : Le cercle rouge
Adresse : 19, avenue Paul Doumer - Paris 16e
Le barrage routier sur la N6, à Saint-Loup-de-Varennes devant le monument à Niepce.
Un policier contrôle les papiers de Corey.
- Votre adresse sur le permis est toujours la même à Paris ?
- Oui, toujours la même, 19 avenue Paul Doumer.
C'est la première fois que l'on comprend que Corey, se dirigeant vers Paris, rentre bien chez lui. La confirmation de son adresse exacte arrivera d'ailleurs un peu plus tard lorsque, attendant Jansen au Santi's, il regarde sa nouvelle carte grise sur laquelle est indiquée son adresse officielle : 19, Avenue Paul Doumer - PARIS XVIe
Cette fois-ci, Melville n'a pas inventé un numéro d'immeuble un peu fantaisiste, il a puisé dans la réalité. Corey habite dans un quartier très chic, à deux pas du Trocadéro. Et c'est à la faveur d'un plan extérieur à l'immeuble - où l'on aperçoit Vogel à travers une des baies vitrées - qu'on identifiera avec exactitude l'appartement dans lequel il habite, au huitième étage : la fenêtre au volet baissé aux deux tiers, au niveau du premier étage comportant des balcons.
Cet extérieur sera donc utilisé trois fois par Melville :
- la nuit où Corey arrive de son voyage depuis Marseille, avec Vogel dans son coffre,
- le lendemain matin, introduisant la séquence où Vogel présente la possibilité d'utiliser Jansen pour le cambriolage,
- quelques jours plus tard, après le casse, alors que Corey doit se rendre avec Jansen à la maison du (faux) fourgue.
Trois séquences charnières d'une continuité sans faille - arrivée, occupation des lieux, départ - qui précédent ou concluent à chaque fois une séquence déterminante dans le récit et résument à merveille l'état d'esprit dans lequel se trouve Corey, à chacune de ces étapes.
1. L'arrivée sur Paris, de nuit, permet de fixer dans un lieu précis l'amorce d'un récit qui va se dérouler sur plusieurs jours. Le trait d'union entre sa vie passée (son ex-petite amie, la prison, ses anciens acolytes) et sa vie prochaine (le casse, son amitié avec Vogel puis avec Jansen) est entièrement symbolisé par cette séquence de l'appartement. Car c'est ici qu'un nouveau départ semble pouvoir naître pour Corey et qu'une nouvelle histoire semble pouvoir s'écrire.
2. La discussion, le lendemain matin (Vogel est encore en pyjama !) dans le salon, est introduite par un plan d'une dizaine de seconde "grimpant" le long de la façade en panoramique. Le plan, relativement lent et accompagné d'un zoom avant (dont le cadre de fin nous montre le visage de Vogel derrière la fenêtre du huitième étage), permet ici d'enraciner le lieu dans une réalité tangible, celle des personnages en présence et même, plus largement, celle du récit.
3. Et enfin, la dernière scène qui se situe à l'appartement se conclut, elle, par un plan extérieur de l'immeuble mais sans que l'on voit vraiment la façade. La longue descente par l'ascenseur et finalement la sortie dans la rue, nous montre un Corey à nouveau seul. Seul et partant pour un dernier voyage qui, lui, sera sans retour possible.
La façade de l'immeuble nous est présentée ici comme un espace transitionnel entre le monde extérieur (déconcertant, agressif, voire dangeureux) et le monde intérieur familier, tranquilisant et sûr. Une sorte de sas fictionnel entre un réel difficilement réaménageable et le décor de cinéma que l'on peut créer et réinterpréter à l'infini : « J'ai horreur du décor naturel … il n'y a pas de poésie dans un décor naturel, c'est impossible : il faut essayer d'apporter une part de rêve au spectateur en ne lui montrant pas ce qu'il voit tout le temps. » [1]
La façade de l'immeuble nous est présentée ici comme un espace transitionnel entre le monde extérieur (déconcertant, agressif, voire dangeureux) et le monde intérieur familier, tranquilisant et sûr. Une sorte de sas fictionnel entre un réel difficilement réaménageable et le décor de cinéma que l'on peut créer et réinterpréter à l'infini : « J'ai horreur du décor naturel … il n'y a pas de poésie dans un décor naturel, c'est impossible : il faut essayer d'apporter une part de rêve au spectateur en ne lui montrant pas ce qu'il voit tout le temps. » [1]
[1] Jean-Pierre Melville interviewé par Maurice Seveno le 8 août 1967 (Archives INA)