Gitanes Bout Filtre, 2016 - Polaroid © Yannick Vallet
Film : Le samouraï
Dès le plan d'ouverture du Samouraï, le tout premier signe de vie humaine que l'on perçoit dans la chambre, c'est cette volute de fumée flottant au milieu de la pièce. Puis, juste après la disparition du titre, on remarque la présence d'un homme, immobile, allongé sur le lit : celui-ci se soulève légèrement, tournant la tête en direction de la table de chevet, puis tend la main et s'empare d'une cigarette qu'il porte à sa bouche. Il l'allume à l'aide d'un briquet et va la fumer entièrement, (presque) en temps réel, durant les deux minutes de l'étrange (faux) plan séquence[1] qui va suivre. Le plan se terminera lorsqu'il s'assiéra sur le bord du lit et écrasera sa cigarette.
Pendant les vingt premières minutes du film, on verra ainsi Jef Costello fumer quatre fois :
- au volant de la première DS qu'il a volée,
- dans le garage de Montreuil en attendant le changement des plaques,
- à l'extérieur du Marteys avant d'aller tuer le patron,
- lors de la descente des flics dans la chambre d'hôtel où il joue au poker,
mais il faudra attendre encore une trentaine de minutes avant de savoir ce qu'il fume.
Ce sera juste après qu'il ait soigné sa blessure par balle : Costello, assis au bord du lit face à la table de chevet, prend une cigarette dans un des trois paquets de Gitanes bout filtre posés là.
Et puis ce sera la dernière fois. La dernière fois qu'on le verra fumer. Dans la deuxième moitié du film, ne sera plus visible que sa réserve de paquets de cigarettes, impeccablement alignées sur trois rangées au dessus de l'armoire, tout près des bouteilles d'Evian.
Et puis ce sera la dernière fois. La dernière fois qu'on le verra fumer. Dans la deuxième moitié du film, ne sera plus visible que sa réserve de paquets de cigarettes, impeccablement alignées sur trois rangées au dessus de l'armoire, tout près des bouteilles d'Evian.
Dans cette deuxième partie, l'acte de fumer, symbole tangible de virilité, a été remplacé par l'objet seul, simple évocation allégorique de cette virilité. Comme si la trahison du commanditaire, qui lui tire dessus alors que Costello a accompli totalement son contrat, l'avait fait basculer dans un monde où il ne serait plus que l'ombre de lui-même. L'incarnation d'une solitude exacerbée.
Dans Le cercle rouge ou Un flic c'est encore autre chose ...
[1] ce plan d'ouverture est constitué d'au moins trois plans faisant croire à un plan séquence dont la dernière partie est un drôle de transtrav (voir post du 18 décembre 2016 : Lieu #3)